• La guerre - c'est une bourrasque insupportable. Elle trimbale son flot de morts et de secrets. Elle jacasse et aime le vacarme, elle distribue les offenses comme seule le fait une reine. C'est injuste et con comme la mort la guerre. Elle fait jouer des enfants à un jeu décidément trop sérieux.

    C'est comme Malevitch qui paume un bon nombre de tableaux durant les batailles. Quelle tristesse. Mais, après tout, le régime Soviétique le qualifiait de rêveur philosophique. On l'imagine oublier ses oeuvres et penser plutôt à réchauffer ses doigts entièrement bleus. Le corps a de ces exigences tout de même.

    Le corps justement, son ébullition, son langage et ses variations. La première fois que j'ai entendu le son organique de Camoufleur, cet album de chair végétal, Avril creusait la plante de ses pieds et proposait déjà, des pas de danse printaniers.

     


     

     

    Je rêve toujours avec ce disque et j'observe le soleil perdre le combat de la lumière. Musique du printemps au coeur de l'automne. Je rêve également face à certaines oeuvres nues de Malevitch. Elles plaquent leur vide sur mon visage pour voyager dans mon imagination. Le rêche et le velours. Les escapades insensées.

     

     

    Vs

     

     

    Purs silences. Bruit, fureur et sens que l'on enfante nous mêmes face à ces crevasses. On s'effraie un peu de ces hautes solitudes.

     

     

     

    Vs

     

     

    Ah! La tendresse de se souvenir d'une saison dans une autre. Cette fusion des émotions, des historiettes musicales, des parfums, Gastr Del Sol les intensifie jusqu'à les faire disparaître. Abstractions abrasives comme les créait Malevitch. Une guerre à l'odeur de fleur, la vie.

     


     

     

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  • Epiphanie

     

    Le confort, le progrès tout ça amène vite à l'enterrement collectif. Quel ennui de ne pas s'évader éreinté d'un disque! Cela arrive trop souvent, c'est une insupportable habitude. Sortir convaincu après l'écoute d'un album est une charmante assurance pour l'oublier la semaine suivante.

    Le prochain Violens est un labyrinthe peu glorieux. C'est pour cela qu'il est essentiel. Il nous porte le dégoût passager de l'inconnu, il nous surprend comme une gifle, déçoit comme seul peut décevoir l'amour. C'est dire le théâtre.

     

     

     

    Epiphanie

     

     

    Lorsque débute The Dawn of your Happiness, on se surprend excessivement à attendre, à exiger. Comme les jeunes gens un peu prétentieux et gâtés que nous sommes devenus. Cette première rafale va pourtant nous coltiner l'effarement.

    Ligne de basse ciselée, production évasive, choeurs évanescents. Empreinte des années 80 saccadée et multiple. On enveloppe ce mille feuille violent, déjà, dans notre mémoire.

    L'oreille se calme avec les premiers accords frappés de Full Collision. The Smiths, Duran Duran, New Order. Une saine cathédrale électrique, précieuse comme un parfum de femme. L'épilogue de cette composition est un carnage saisissant.

    Acid Reign vient délivrer ses lames rythmiques, sans aucuns répits. Toutes ces bousculades mélodiques assaillent l'auditeur en grandes carnassières. Nous sommes séduits, brutalement.

     Puis, on écoute et on craint. Ce qui séduit aujourd'hui c'est la continuité, ici, ce n'est que crevasses et chemins de traverse. On court vers la catastrophe comme une mauvaise locomotive. It Couldn't Be Perceived donne l'effroi des pires moments discographiques de Simple Minds. Alors que Are you Still in The Illusion? nous avait sorti de cette rude cavalcade du début, un tempo ralenti investi de cisailles électriques, It Couldn't... nous confronte à nos réticences, à notre refus. Nos références se convoquent dans nos têtes comme des harpies peu altières. Basse pincée, nappes de synthé ignobles. Le mauvais goût ne désemplit pas. Pourtant cet apparent massacre dévoilera son venin séminal après plusieurs écoutes.

     

     

     

     

    Until It's Unlit creuse un sillon étrange, dangereux comme le manque de sommeil. Musique désorientée, complexe. Alors que nous attendions la limpidité, Violens nous apporte un torrent de boue, de fleurs, de crasse et de lueurs sourdes. Dérangeant comme le visage d'une morte.

     

     

    Epiphanie

     

     

    Après cette nausée délicieuse, on évite totalement le bâillement et l'ennui avec l'impudique cascade mélodique qu'est Violent Sensation Descends. Une beauté nécessaire à cet endroit du disque qui révèle l'architecture puissante et racée que le groupe a façonné pour cet album.

     

    Could You Stand to Know? amène son cortège lumineux. Un relis émotionnel délicat et furtif. Plaqué ça et là par des lourdeurs électriques, le morceau insuffle tout de même ce charme inquiétant qui colle à la peau du groupe. Un brasier remarquable entre chien et loup.

     

     

    Epiphanie

     

     

    Le final arrive troublant. Trance- Like Turn, nous enveloppe comme une aube mystique. Vaste plage mélodique où nos sens s'adonnent au repos et aux prières envoûtantes. 

     

    Amoral vient ensevelir cette falaise vertigineuse, avec des arpèges malsains où résonnent les revenants et nos peurs les plus intimes.


     

    Another Strike Restrained ressemble à ces vents d'hiver féroces, ceux qui nous brûlent la peau après une courte balade. Rageuse et mélancolique à la fois, cette chanson ne se laisse pas apprivoiser. Laissons donc faire le temps.

    Generational Loss ample ruade cavalière vient conclure comme un orage ce disque intense et désobligeant comme une amoureuse dédaigneuse.

    Magnifique digestion de la musique, n'évitant pas le mauvais goûts et les échecs, Amoral est un disque courageux, une valeur perdue qui étincelle dans l'insignifiance de notre époque.

    Assurément, après pareille collision, on se retrouve la tête en bas et les jambes en l'air: parfaite position pour continuer ce rêve saisissant et tempétueux.

     

     

    Epiphanie

     

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    28 commentaires
  •  

    Vs

     

     

    Ma mémoire s'inonde d'un tas d'éléments. Ma mémoire est une petite chambre d'adolescent traversée par un vent chaud. Je la parcours, lentement, en baillant car il est fatigant d'attendre.

    Je me suis donc mis à prendre un large grog d'émotions pour épater la valse des souvenirs. Car je danse très mal, je les invite ces songes avec un pas de jaguar blessé. Un jaguar qui boit du martini dry. Il faut, assurément, de la tenue avec le passé. Et je veux en avoir avec ce personnage divin - Emma Peel.

    Cette femme, c'est un peu comme un incendie perdu. On ne le voit pas, mais l'odeur des pins cramés hante vos épaules. Emma, elle se trimbale le long de mon échine comme un affectueux frisson. Quelle extraordinaire occupation que l'amour! Même lorsque l'on est insincère!

    Je serai bien stupide de dire: je l'ai oubliée. Elle est comme cette petite égratignure sur mon tibia, elle me suit de partout pareille aux romances des Smiths.

     

     

     

     

     

    De cette femme, on ne sait rien. Mais on sait qu'elle est heureuse - c'est beaucoup trop.

    Elle a une moue boudeuse et répond à mes bavardages avec des phrases courtes et limpides. Je pourrais inventer des histoires, mais cela ressemblerait à ce qui se passe entre les autres.

    Je n'imite personne: j'ai réellement aimé Emma Peel.


     

     

    Vs

     

     

     

    Voilà, je ramasse, sans indifférence, les souvenirs d'une fascination. Avec aplomb et inquiétude. Je dévale les avenues où les jeunes femmes accommodent leurs jambes nues aux lumières d'automne. Je ne me soucie pourtant que de sa présence.

    Je porte en disgrâce certaines revenantes, je leur cloue leur regard sans jérémiades, précis comme une balle, je les oublie un peu... mais jamais elle. J'ai la fidélité et la futilité d'un curé. Je m'octroie l'emphase et le grotesque: je veux qu'elle m'aime et évite d'y penser. Il reste l'armada du rêve. Quel brave garçon je fais.


     

     

    Je fais envoler toute cette collecte sentimentale à bonne distance. C'est sérieux comme un coma cette histoire. La vie est épouvantablement romanesque: on y joue parfois des rôles insipides.

    J'ai le sourire désabusé, j'évacue toutes mes insolences avec sur mon front l'empreinte du torturé. Idiot, je le suis. Idiot comme aimer une femme qui n'existe pas.


     

     

    Vs

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    30 commentaires
  • Il y a peu, je me replongeais dans cette oeuvre insensée du clair obscur: Le péché de Franz von Stuck. Voilà une oeuvre de chapelle ensevelie. Peu de monde y goûte mais certains trouvent cette création indispensable.

    Un anonymat parfois incendié par des passionnés. Feu étrange. Remy de Gourmont parlait ainsi de ces oeuvres tapies loin de l'officialité: " Leur autel est au fond d'une crypte, mais où les fidèles descendent volontiers, cependant que le temple des grands saints ouvre au soleil son vide et son ennui."

     

    Vs

     

     

    Dans ces souterrains on rencontre des créations minuscules et immenses. Oeuvres méconnues mais qui ont des fanatiques. La raison n'a que très peu de valeur et on couche volontiers avec la première passion venue. On s'aiguise à tout va, on se surprend à tremper ses lèvres dans des goûts douteux. Car souvent ces cavités sentent le souffre.

     Je découvrais récemment, grâce à une âme enlevée et charitable, Norma Loy. Musique qui n'a rien d'évangélique, musique inondée par l'orgueil, les attitudes et les élégances.

    On peut dire de Norma Loy qu'ils ne choisissent comme confident qu'eux-mêmes. Trop amoureux de la liberté. Ils peuvent paraître datés - ils sont intemporels. On croirait la caresse de la lave - il laisse une empreinte glacée.

     


     

     

    Ces sombres chants me rappellent l'univers multiple et fantaisiste des écrivains fin de siècle.

    Enfer salé, où l'on mange des choses sucrées avec du beurre d'anchois et où l'on croque des grains de café dans de l'eau de Cologne. Univers fantoche et terrifiant où l'on peint de jeunes danseuses en les violant, grande lâcheté et petite diablerie d'un Degas, chimères tyranniques de ces écrivains pendus à l'oubli comme du linge sale: Hugues Rebell, Catulle Mendès, Paul-Jean Toulet et tant d'autres avachis. Le sable du Temps ne les a pas épargné. Le Temps se soucie peu de la philanthropie.

    En écoutant Norma Loy, j'ai pensé retrouver le charme de ma jeunesse mais ce n'était pas cela car on le sait:  c'est le charme qui vieillit le plus mal. Non, il s'agit plutôt du plaisir de retrouver une belle habitude: la liberté.

     

     

     

     

    A l'écoute de ces compositions vénéneuses, je me remémorais: 

    Souvenirs atmosphériques où je me trimbalais sous les voûtes du Trolley Bus, ivre de mes Estrella Damm bues à toute vitesse. Je plongeais mon regard dans les yeux aux reflets bleus d'induline d'une danseuse aux khôl prononcé. Habillée de noir et blanche comme de la craie, son corps s'enroulait autour de cette chanson, comme un serpent.

    Je relisais également La Camorra, Les Pléiades, Le livre de Monelle, Le vice errant... ouvrages de ces étranges disparus que Felix Vallotton a identifié avec un talent insolent. L'insolence reste souvent le seul privilège des occultés.


     

    LAUTREAMONT

     

     

    Vs

     

     

     

     

    Le portrait de Lautréamont - qui est pure fiction - en dit long sur ces galeries incessantes, ces tombeaux lumineux.

    J'accole volontiers Norma Loy à Hugues Rebell, lui qui disait: " Du mystère de ma vie, il demeure comme une ombre attirante."

    Ombre attirante, Chants de pluie et du soleil, musique de clair obscur, Norma Loy piétine finalement les clichés ou plutôt les invoque - noirs et blancs.

    De l'excès à la sainteté le groupe ne choisit guère. Il expose mille artifices et nous tend une émotion pure, dépouillée, essentielle.

     


     


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  • C'est comme une pluie d'automne, douce et parfumée, un ravissement nécessaire pour un rêveur. Moi, je n'avais pas grand chose à faire sinon imaginer vivre inutilement. Je me levais souvent, enfant, durant les aubes et je scrutais le ciel orange, narguant ma mélancolie. L'orage parfois grondait et j'aimais cela.

    A battre le pavé comme je l'ai fait, il n'y a rien d'admirable. Me voilà lancé comme un jeune chien fou, impulsif et nauséeux. Je lisais Fenêtre avec Vue avant que tout cela ne devienne le tour touristique connu: Avec Vue sur l'Arno.

    Quel immonde traduction pour un si beau titre. Je dévorais ce roman donné par celle qui devait devenir mon putain de tombeau des regrets.

    Je respirais Florence, je courtisais Lucy jusqu'à déposer mes mains sur sa nuque tiède. Je regardais le film et relisais le livre. J'en concluais que parfois la vie à de bien mauvaises saillies.

     

     

    Je ne bousculais jamais ma colère et adorais peindre dans mes souvenirs mon amour malheureux. Ce plaisir du passé, cet oiseau que l'on aime cacher dans sa vieille veste, je le retrouve, puissant, dans les compositions de Richard Hawley.

    Décalque sombre et emphatique de la vie, l'oeuvre de l'anglais est pourtant lumineuse comme l'est le livre de Forster. Derrière le soleil se cache souvent des pluies assassines qui nous vont à ravir.

     

     

     

     

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