• Je ne vais te donner aucun amour. Les grandes lignes froides et la couleur, le noir épais qui s'époumone comme du sang dans ta mémoire, le vent sans rien, qui fait vaciller l'immobile. Oui, je ne vais rien te donner. On ressemblera au rêve des amants, on ira porter nos baisers contre des lèvres tièdes - on bordera l'illusion. Ce sera drôle parfois, souvent férocement triste. Jour après jour, je n'y crois plus. Le téléphone sonne, l'attente feule sa présence mais je souris, je m'en veux, j'oublie les petites heures à inventer un manque, plus rien ne me manque, surtout pas une amoureuse. Le grand tableau dans la nuit parle, sa force n'a pas besoin de lumière, pas besoin d'un regard, ce tableau est un étranger. Nicolas de Staël incruste des tristesses dans mes secondes, son Portrait D'Anne m'enlève, cloue mes déceptions, recompose le temps.



     


    Un matin, le paysage recouvrait sa candeur. Rosée, silhouettes nocturnes des arbres, des phares gris, la mer comme une pleureuse toute plate au loin. Je rêvais de te voir mourir entre mes rêves, je rêvais de te voir incendiée comme les mélodies dans une chanson de Codeine. Les étoiles résistaient au jour. Je les admirais, vraiment. 


     

     

     

     

     

     

     

     

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  • Juillet fêtait ses artifices. Quel mois séduisant, Dieu, quel mois séduisant. Il se retrouvait devant le port, il avait avec lui un tas de lettres. De jeunes comoriennes aux longues jambes de nuit traînaient près de l'eau plaquée d'hydrocarbures. Il s'en voulait de son peu de discrétion mais balança tout à la mer. C'était mieux ainsi. Il grilla une gauloise et marcha un moment. Plus tard, dans la nuit sous les voûtes, il dansait avec une fille timide portant un khôl épais, voilant tout à fait ses yeux noisettes. Elle semblait ignorer sa beauté. Elle portait le tatouage d'une sauterelle, elle écoutait Bahaus et The Orchids.

     

     

    Paul se mit à lui parler de Juliette Greco et du parfum de savon de sa nourrice. Le petit matin était frais, il tenait fort son petit corps contre lui. Il avait envoyé  toutes ces lettres comme des fleurs maladives dans une eau noire, noire comme l'oubli. Dehors, Juillet fêtait encore ses artifices ...

     

    The Orchids est une émouvante carte postale que l'on reçoit toujours dans les moments forts de nos vies. Un des secrets, très beau, gardé par le fabuleux label Sarah Records. Quelles oeuvres ont influencé cette pop fragile et indélébile ? Le groupe ouvre son coeur et nous livre l'étendue de ses amours artistiques.

     

     

     

    The World Of The Orchids


    James:

    For art I enjoy Paul Klee.....I like the fact that he was a master but his work still had a childlike quality with a real control of colour.

     

    Portrait

     

    http://www.spartacus.schoolnet.co.uk/ARTklee.htm

     

    for film i enjoy "Pan's Labyrinth" by Guillermo Del Torro, I love the fairy tale mixed with post civil war brutality and it's fable like content.  

     

     

     

    http://www.panslabyrinth.com/ 

     

    John:

     Film "Wings of Desire" by Wim Wenders love how it depicts "a longing for love of life, existence and reality.

     

     

     

    http://www.wim-wenders.com/movies/movies_spec/wingsofdesire/wingsofdesire.htm 

     

    Music Into the mystic - Van Morrison Just connects with me on so many levels and his best vocal ever 

     

     

    Keith:

    For a painting I have chosen Three Musicians by Picasso. I first saw it at the Museum of Modern Art in New York and thought it looked like it should be the cover of some cool jazz LP like Dave Brubeck or something. I got a print and it took pride of place above my fireplace, it brings back memories of New York and it was only once it had been hanging up there a while that I noticed the dog lying under the table and then I liked it even more. 

     

    Portrait

     

     For a film I like The Royal Tenenbaums by Wes Anderson, again evokes New York really well and it has an amazing cast including Gene Hackman, Ben Stiller and Bill Murray. Gwyneth Paltrow is good in it too. It sort of reminds me of some of JD Salinger's books, notably Franny and Zooey which used to be a favourite of mine. Plus it has a great soundtrack from the Ramones to the Velvet Underground and the scene featuring Elliott Smith's music was sadly prescient.

     

     

      

     

     Elliott Smith

     

     

     

     

    The Velvet Underground

     

     

     

     

    The Ramones

     

     

     

     

    Pour écouter The Orchids et plus:

     

     http://www.myspace.com/theorchidsuk

     

     

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  • On transportait avec Thomas, un immense miroir. On entendait les cloches au loin, un chat, isolé fièrement, regardait un point de vue mystérieux. Dans les rigoles, de l'eau, de la lessive et des pétales de roses. On le plaça finalement sur le toit de la voiture, il était vraiment grand ce miroir. On roula une trentaine de kilomètres, la pluie se mit à tomber. Puis la grêle.Thomas chercha vite un abris. On resta comme des cons dans l'entrée d'un chemin, sous les arbres à attendre la fin de l'averse.

     

     

    La pluie s'arrêta, on se remit en route. Il y avait de vastes champs de colza. J'ai cru voir un arc en ciel au dessus de l'un d'eux. Le ciel était presque orange. Je demandais à Thomas s'il voulait lui offrir, il ne répondit rien. On s'arrêta dans un bar, on se mît minable. On faisait toujours ça lorsque l'on ne voulait plus comprendre le regard de Catherine.

     

    Portrait

     

    Elle nous attendait sous l'abricotier, tous les abricots sont parterre, c'est fichu nous dit-elle, en riant. Elle nous observa un moment, presque timidement. Thomas bégaya que l'on avait un cadeau pour elle. On fit glisser le miroir, on le posa sur l'herbe mouillée. Il était constellé d'impacts, totalement lézardé. Je regardais le visage de Catherine dans la glace, s'observant comme elle l'aurait fait au-dessus de l'eau. C'étaient d'adorables fragments de Catherine. Seul son regard était épargné, ce bleu profond où se tissaient les rêves et les mélancolies. J'y voyais la beauté nette de la vérité.

     


     

    Ce miroir la recomposait magnifiquement. C'était une métamorphose troublante car même en morceaux - sa beauté était intacte. Elle se marra un bon moment, elle disait que c'était un cadeau merveilleux. Que l'on était merveilleux. Elle nous embrassa tous les deux. On flamba des gambas, on s'enivra tout à fait, la terre s'évaporait en d'étranges silhouettes. Parfois je regardais ses mèches d'un blond lumineux, je regardais son profil ciselé à la Morgan, je ne voulais pas la perdre.

     

    Portrait

     

      

    Il n'y a pas longtemps, je jetais des vieux meubles, des pots cassés, des bicyclettes rouillées dans une déchèterie. C' était à côté d'un petit cimetière. Un spectacle unique et absurde. Dans les rigoles: de l'eau et des pétales de roses. Je repensais au miroir, je repensais aux grands yeux de Catherine, je repensais à ses lèvres si douces qui prononcèrent ce terrible - je ne t'aime pas Lyonel.

     


     


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  • L'hiver pointait précisément ses allures. Lui, il en était au printemps, lorsqu'il marchait dans la rue noire. Les réverbères comme de grands cierges blonds illuminaient l'air glacé, les façades des immeubles se recouvraient d'étranges ombrages, la pluie battait ses tempes. Mais Paul s'en fichait bien. Il respirait presque des parfums de rivière, il pensait voir un ciel dégagé par un vent vif, un soleil mordiller des visages doux et pénétrants. Il jouait l'amoureux, dansant sur les trottoirs tristes de Décembre. C'était un premier rendez-vous. Il allait retrouver Léna et son foulard au bleu intense à la Redon.

     

    Portrait

     

    Elle était là, toute en noir campant devant le cinéma avec ses grands yeux de chat. Paul n'était pas en retard, ils s'embarquèrent dans une drôle de soirée où un jeune rockabilly reprenait du Elvis, tout seul à la guitare. Paul et Léna burent du vin, esquissèrent quelques danses sur du Elvis Costello ou encore les Comateens, c'était dans un petit appartement blanc aux tomettes rouges.

     

    Portrait

     

    Paul était un peu ivre, Léna l'était beaucoup plus. Paul voulait être amoureux, Léna l'était tout à fait. D'ailleurs, elle était bien plus belle que lui, elle était plus courageuse. La nuit finissait et la voix de Liz Fraser envahissait la pièce, caressant les hauts plafonds. Paul fuyait vaguement son propre désir de l'embrasser et elle, magnifique, imposait ce regard trouble de l'amoureuse raffinée.

     


     

     

     Il se faisait tard ou plutôt trop tôt. Paul n'avait nul part où dormir. Il regardait dans cette fin de nuit froide, ce ciel implacable. Ils se donnèrent un baiser furtif devant un taxi. Paul rentra, près de la mer, il marcha deux heures. Frigorifié, il vit le soleil se lever. Il s'en voulait de tout et de rien.

     

     

    Il pris un café dans un rade puant le tabac et l'anis. Il savait qu'il ne reverrait plus Léna, il savait qu'il loupait bien des choses. Mais là, fatigué et perdu, il se sentit la force de mettre à distance celle qu'il n'avait jamais su oublier.

     

     

    Puis il se mit à traîner le long d'une petite corniche. Au loin, on voyait quelques pétroliers. Un vieux tzigane ivre mort lui rentra dedans, il vendait des roses séchées. Paul les lui acheta toutes. Il marcha encore une bonne heure. Il arriva dans la petite plage de l'Abricotier. Il s'allongea un moment sur le sable glacé. Il regarda le ciel, c'était le ciel d'un printemps, bleu et vif. Il allait enfin pouvoir continuer à vivre.

     

    Portrait


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  • Margot m'attendait souvent de la même manière - avec sa peau blanche, quasiment nue, son chat noir lové sur ses cuisses. Elle passait son temps à faire des collages remarquablement beaux à la façon Agnes Montgomery. Un pin incendié, une roue de vélo, un visage en noir et blanc, une montagne lointaine et mauve. Ces assemblages étaient poétiques et ravissants. Elle découpait des heures durant des centaines d’images, cigarillo mourant au bord des lèvres, un verre de Brandy jamais très loin, elle flottait dans une immense chemise blanche généreusement entrouverte.

     

    Portrait

     

    Dans son petit appartement tout brun, elle restait ainsi des journées à travailler en écoutant du Messiaen. Un jour, on écouta John Maus. Les poèmes bruts de l'américain me rapprochaient d'elle. Sur sa peau blanche qui marque trop vite, je déroulais mes mains, je laissais naître l'empreinte de mes lèvres dans la tiédeur de son sexe.

     

     

     Elle pourrait dire - … j’ouvre les fenêtres, un parfum de bitume et de soleil rentre dans la pièce. Je vais dans la cuisine, trouve des feuilles de menthe, j’ai encore au bord des lèvres le goût d’amande pénétrant de son sperme, je mâche la menthe associant, comme ça, les deux saveurs. Mon corps est trempé de sueur. J’entends au loin les premiers canadairs. En bas, les pianos dans la vitrine reflètent leur silhouette pure. Les passants s’embrassent devant eux, fument ou téléphonent. J’aurais voulu récupérer mon piano chez ma grand-mère, jouer à cette heure précise quand la lumière finit par fondre, quand les premières ombres serpentent sur les toits. Du Satie, je commencerais par la Gnosienne n°1, oui, c’est mon petit crépuscule qui avance et que j’adore.

      

    Portrait

     

     Chaque fois, c’est une cérémonie. Mes mains enlacent ses hanches, agrippent et griffent doucement, tout cela comme une fonte des chairs, une mélasse de caresses où la tendresse et la sauvagerie parcourent intensément nos corps comme un unique équilibre. Le sang bat les tempes, la sueur se mêle au parfum de salive, de sel.

     


     

    Cet appartement adoré qui faisait résonner nos lumières, c’était un peu le Providence de Lovecraft, un endroit sacré. Margot lisait souvent ses poèmes lugubres et sereins – Le jour sans nuage est plus riche à sa fin. Elle aimait prononcer avec sa voix grave de fumeuse, lentement, Fungi De Yuggoth.

     

     

    Portrait

     

     

     Haletante, elle me racontait ses cauchemars - je me retrouve peu à peu invitée, malgré moi, à un colossal bûcher ; des tas de longs corps maigres et cuivrés s’agitent. Tout me paraît évident: enfant j’avais été happée devant cette reproduction de l’Enfer des très riches heures du comte de Berry. Un sublime exemple du syndrome de Stendhal … une maladie jetée au visage comme une serviette chaude. Cette monstrueuse angoisse me tenait encore quand je te suivais le long de ce sentier de la Sainte-Baume. La nature dégueulait sa rancœur de l’Homme là juste devant mes yeux…tout semblait être réversibilité : passage étrange du sacré au démoniaque. La beauté du monde s’offrait avec la conscience aiguë et proprement scandaleuse de la Mort. Une immense cuisse illuminée s’impose. Je peux voir le Léviathan que par fragments, impossible de le concevoir dans son ensemble, trop intense, trop dur et bien trop inhumain.

     

     

    Elle s’endormait contre moi, la nuit projetait ses illusions contre les vitres de la grande fenêtre. Au loin, les grands yeux jaunes du chat noir me récitaient le plus terrible des contes.

     

     

     

      

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