• C'est comme une pluie d'automne, douce et parfumée, un ravissement nécessaire pour un rêveur. Moi, je n'avais pas grand chose à faire sinon imaginer vivre inutilement. Je me levais souvent, enfant, durant les aubes et je scrutais le ciel orange, narguant ma mélancolie. L'orage parfois grondait et j'aimais cela.

    A battre le pavé comme je l'ai fait, il n'y a rien d'admirable. Me voilà lancé comme un jeune chien fou, impulsif et nauséeux. Je lisais Fenêtre avec Vue avant que tout cela ne devienne le tour touristique connu: Avec Vue sur l'Arno.

    Quel immonde traduction pour un si beau titre. Je dévorais ce roman donné par celle qui devait devenir mon putain de tombeau des regrets.

    Je respirais Florence, je courtisais Lucy jusqu'à déposer mes mains sur sa nuque tiède. Je regardais le film et relisais le livre. J'en concluais que parfois la vie à de bien mauvaises saillies.

     

     

    Je ne bousculais jamais ma colère et adorais peindre dans mes souvenirs mon amour malheureux. Ce plaisir du passé, cet oiseau que l'on aime cacher dans sa vieille veste, je le retrouve, puissant, dans les compositions de Richard Hawley.

    Décalque sombre et emphatique de la vie, l'oeuvre de l'anglais est pourtant lumineuse comme l'est le livre de Forster. Derrière le soleil se cache souvent des pluies assassines qui nous vont à ravir.

     

     

     

     

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  • Milena, un jour, amena Kafka sur les hauteurs de Vienne. L'air doux et rassurant des collines tempéra l'écrivain, éloignant le vertige. Son accompagnatrice, pour le guider, marchait rapidement devant lui. Kafka en oublia quelques instants sa maladie.

    Celle " qui nous dépouille tous les jours un peu plus " pourrait simplement pétrifier. Mais l'homme avec son large sourire ne lâche pas si facilement. Le malade est un peu celui qui trait une vache et lui balance le lait dessus. Une force ultime. Cette force est l'équivalant d'un fantôme qui boit jusqu'à nos baisers et nous garde, avec fureur, les yeux ouverts.

     

     

    Vs

     

     

    Lorsque j'ai entendu, pour la première fois, Helicopter, cette comptine infusée de langueur, de désespoir et de joie, je me suis souvenu de la Métamorphose et surtout des lettres à Milena.

    Une collection de missives oscillant entre tendresse, aveuglement, érotisme et angoisses. Kafka dans ces lettres n'a jamais mimé l'amour. Et lorsque l'on écoute Bradford Cox, on est frappé par cette émotion intacte, pure.

     

     

    Dépouillée sans cesse mais toujours plus riche, la musique de Deerhunter est ce fer rouge qui flambe sur l'épaule blanche de la mort. Et pour notre plus grand plaisir on y voit tatoué dans la chair diaphane: COMBAT.


     

     

     

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  • Je terminais la lecture de Paul et Virginie avec un mauvais vin marocain. J'avais l'esprit salement amoché. La nuit avait sa tronche de louve, elle multipliait les silences. L'alcool faisait des tempêtes dans ma gorge, j'avais besoin de réconfort.

    Je prenais au hasard dans ma bibliothèque Blankets. Je voulais de nouveau ressentir ce que c'est que tomber amoureux. Limpide, indescriptible et essentielle cette histoire coula de nouveau en moi comme une rivière. Lavant toutes mes crasses sentimentales.

     

    Vs

     

    Quel livre merveilleux. Le profil courbé de Raina récupérant les centaines de flocons me hante encore. Ce personnage est une réelle présence. Présence forte et pure que j'ai retrouvé avec Porcelaine. La musique ample et personnelle de Malvina Meinier s'est révélée être le plus bel accompagnement pour ma lecture.

     

     

     

     " La nuit couché sur le dos en regardant la neige tomber, c'est facile de s'imaginer s'envolant au milieu des étoiles."

    Voilà l'une des pensées d'un des personnages. En écoutant la musique de Porcelaine on se retrouve dans ces mêmes dimensions. Insensées. Insensé comme le premier baiser donné, comme le parfum du vent comblé de pollen, insensée comme peut l'être la nature. Fabuleux décor qui illumine l'histoire de Craig Thompson, miroir majestueux qui crépite dans les notes de Malvina Meinier.

     

     

    Vs

     

     

    L'univers de Blankets est blanc et noir. C'est l'hiver et les longs paysages traversés de tempêtes de neige. C'est encore la présence de Dieu et le théâtre de l'humain tellement émouvant, tellement imparfait. Intense comme les cauchemars d'un enfant.

     

     

    Vs

     

    L'enfance, la fragilité, le songe, des éléments présents dans la musique de Porcelaine. Musil disait de Rilke: " Voir la porcelaine devenir marbre. " Mais cette porcelaine là se fendira toujours de douceurs, de beautés évanescentes. J'écoutais Hiver, Pâturages avec émotion. Petits fragments de sincérité.

    Cette musique est personnelle, elle est un témoignage, comme l'est le roman graphique de Craig Thompson.

     

     

    En ayant terminé Blankets, je continuais à divaguer avec les notes suspendues de Malvina Meinier. Il fallait que j'en sache plus sur sa mystérieuse présence et son étonnante faculté à nous faire rêver.

    Après ces quelques questions, un léger voile s'envole, parfumé comme un vent hivernal. Précieux.

     

     

    Vs

     

    Votre musique est très organique: on y entend presque le vent dans les frondaisons, le silence, l'écoulement de l'eau. La nature est peut-être pour vous la plus belle des compositrices? Justement, quelles sont vos sources d'inspiration?

    Cela peut vous paraitre étrange mais je n'ai pas vraiment de source d'inspiration, je compose ce qui sort de ma tête et de mes doigts au moment où je touche le piano. Puis je me laisse guider.
    Mon corps me dit quoi faire et où il a envi de me mener.
    Il est vrai cependant que je suis tombée amoureuse du temps, du temps qui passe. Ce qui explique entre autres pourquoi j'ai voulu rendre hommage à l'hiver dans les compositions du même nom. Je suis fascinée par ce paysage glacé, cette nature fragile.

    Dans le roman graphique Blankets, les thèmes de l'innocence, de la pureté sont particulièrement traités, on pourrait les rattacher à vos créations. Comment définissez- vous votre musique?

     Ma musique me ressemble. J'ai toujours été très sensible, et cela se ressent énormément dans ce que j'écris. Je dirais, pour vous répondre, que l'innocence, la pureté et la fragilité sont les mots les plus proches de cet univers. 
    Mais il n'est pas nécessaire de la décrire, il faut la ressentir. Je n'essaie pas de faire passer un message, j'essaie d'être vraie, d'être moi et de recréer un univers. Et si en concert je réussis cela, que les gens rentrent dans mon univers, c'est que ma musique est honnête.

    L'enfance, le mystère, l'intemporalité dessinent l'histoire de Craig Thompson. Votre musique a ceci d'étrange: c'est qu'elle échappe à la classification, elle aussi semble intemporelle. Composez-vous facilement ou est-ce un long cheminement?

    Il est très facile pour moi d'écrire, je pourrais composer plusieurs morceaux par jour. Et puis il y a les morceaux qui émergent seuls, comme une évidence et qui s'imposent aux autres, parce qu'il fallait qu'il en soit ainsi. C'est parfois une fatalité, je n'y peux rien, mon corps me dicte la direction à prendre. Alors je lui fais confiance (j'ai encore du mal à contrôler cet état). Une idée peut mettre plus de temps qu'une autre à prendre forme mais de manière générale je ne suis pas tourmentée par l'écriture, c'est une chose très naturelle pour moi. Tout est très claire dans ma tête, j'ai souvent une idée très précise de ce que je veux. Et puis, je pense à ces compositions depuis de longues années et comme je me suis mise à écrire il n'y a pas si longtemps que ça j'ai beaucoup de choses à rattraper. Ce qui explique surement ce flot de projets que j'ai de temps en temps du mal à contrôler.
    Mais depuis peu je suis revenue à mes premières compositions pour y ajouter des parties cordes (violon, alto, violoncelle...). Mon rêve depuis toujours.

    Votre musique a un fort pouvoir évocateur à l'instar d'un parfum. Si porcelaine était un parfum, quel serait-il?

    Le parfum du vent lorsqu'il neige.

     


     

     

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  • Lou Barlow est un frêle dégueulasse. Mais comme tous les êtres tendancieux, il possède des moments uniques de grâce et de finesse. Le son saturé, braillard disparaît au profit de notes cristallines. C'est un étrange balancement.

     

     

    Les enregistrements sales et confus deviennent purs. Une formidable energie que l'on retrouve dans certaines estampes.


     

    Vs

     

    Merveilleuses vignettes où la virginité s'emporte balayée par des vents contraires. Le sacré bascule d'un seul coup dans la perversion. Mirroir trouble des désirs.

     

    Vs

     

     

    L'album Harmacy me file le même vertige, passant de l'outrance à la fragilité. Too pure succède ainsi à de véritables instants de saccage.


     

     Cet album perfore les sens, nous ramène à de vieux parfums, de fantastiques sensations. On s'y colle comme on se blottit contre le corps tiède de notre amoureuse lorsque le matin nous enveloppe dans ses lumières blondes.

     

    Vs

     

    L'érotisme est un reflet secret et intime. Il brûle et apaise, emprisonne et libère. On ne peut s'en lasser et parfois on vit sans. Douloureux paradoxes. On s'emporte, on s'adoucit, on griffe, on caresse, on s'exécute, on se sauve.

    On vit, toujours.


     

     


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  • Ce matin, je me suis levé avec la nostalgie chevillée au corps. Moi, qui suis si impatient, je n'aime pas trop goûter à cet état. Je m'en moque à vouloir faire la fête une semaine durant , à rire, à dénigrer tous les éléments du passé. Vaine bataille, bataille perdue dans un ciel qui transpire la langueur. Alors quand je me plonge dans ce doux inconfort, je fais deux choses, enfin, trois: la première c'est lire Pessoa, la deuxième c'est écouter Le Mans.

     

     

    La troisième étant de décapsuler une canette d'Estrella Damm. Je lis les vers désabusés et tendrement ironiques du poète portugais:

     

                      Je ne suis rien.

                      Jamais je ne serai rien.

                      Je ne puis vouloir être rien.

                      Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde.

     

     

    Partage entre le désespoir et l'ultime orgueil, écho maïakovskien. Je dispose tous ces poèmes sous mes yeux, je les ressens. Et j'écoute. J'écoute Le Mans, la profondeur de ces notes chaudes poudrées de sel, de chaleur et parfois ces résonances bleues, incroyables. J'ai aimé une brune éclatante qui s'appelait Xochitl, avec son accent merveilleux elle chantait ces complaintes ravissantes.

     


     

    Un des albums de Le Mans s'appelait Saudade. C'est exactement le sentiment qui est lové en moi. Je ne m'en lasse pas.

                            

     

     

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