• Je transporte avec moi, sans cesse, dans une vieille veste de velours élimée, une enveloppe sentimentale. A l'intérieur de celle-ci se trouve une carte postale pliée et repliée. Le portrait d'une dame fait par Paolo Uccello. C'est un reliquat émouvant. Un trésor offert par l'une des femmes que j'ai le plus aimé au monde. Il y a, accolé, son écriture vive et claire.

     

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    Good Advices my love. Ce petit mot, tressé de ses merveilleuses lettres à elle, je le dévore sans cesse. Elle n'appréciait pas plus R.E.M  que ça, groupe qui fut celui de mon enfance. Je me souviens encore de ma traversée des Agriates avec mes parents, je les forçais à écouter Fables of the Reconstruction. Le sol ocre, les cailloux, les figuiers de barbarie, tout défilait sous mes yeux avec Wendell Gee en fond.


     

    Cette phrase, ce fut un simple hasard, elle ne connaissait pas assez le groupe pour penser à la chanson Good Advices. Je lie Uccello et R.EM car plus tard, on passa des heures et des heures à scruter sur un livre immense les tableaux de batailles où les chevaux ont l'air métallique. La peinture d'Uccello est véloce et précise. Monumentale.

     

     

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    Je me souviens de cette fin de journée en hiver où il fallait que l'on se quitte. On se serrait très fort l'un contre l'autre et Sitting Still résonnait dans le grand appartement vide. J'étais si triste, j'étais un soldat bien fatigué et mélancolique, rendu à la défaite. J'avais pourtant la passion, le tempo rapide comme le souffle épique qui traverse cette chanson. Malade d'amour.

     

     

    Alors ma Bible est une vieille carte postale d'un maître italien. Cette image a résisté à tout, elle semble légère face au temps, elle lui résiste, fière et unique. Elle est le fragment de la présence d'un amour. Amour qui continue son chant, merveilleusement, offrant le plus doux des combats.


     

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  • L'amour est parfois un lent processus. Un terrain de jeu savoureux ou cruel, blindé de cachettes, de surprises inégalables. Balzac a souvent magnifié ce sentiment, particulièrement dans le Lys, son livre intime embaumant l'enfance et les regrets.

     

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    Je retrouve une certaine virginité dans les compositions de Porcelain Raft, un reflet immense de cette union platonique liant Félix de Vandenesse à Madame de Mortsauf.

     

     

     

    Quel outrage troublant que de ne pas se livrer. Quelle magnifique retenue également. Chef d'oeuvre de la perdition et du gâchis, le Lys dans la Vallée et aussi le réveil troublant de la mémoire, de l'origine. En ce sens, la relecture de Truffaut est majestueuse et ironique.


     

    Alors oui, il faut l'avouer: toute l'innocence contenue dans les enluminures de Porcelain Raft ne me donne pas envie de taire mes sens. Je dirai à mon amoureuse de s'enrouler autour de mon corps et on ne se refuserait rien, non, aucunes limites et aucunes distances.

     

     

     

     

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  • Je foutais tous les livres en l'air chez un bouquiniste d'Aix en Provence. Je tuais le temps. Les prix montaient à la rude, le salaud. Un pavé de Voltaire? Pam! Les vertus de la camomille? Très peu pour moi! J'en valdinguais encore. Et voilà que le hasard véloce me flanqua une perle: Secret Identity.

     

     

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       Je fuyais comme un féroce avec ce bijou sous le bras, arpentant des rues fondantes sous la chaleur. J'allais direct dans la pénombre de mon appartement. Premier disque trouvé, premier passé. Ariel Pink.


     

    La foutraquerie de l'américain collait à merveille avec mon feuilletage. Rythmique déglinguée, voix perfide et lubrique. Un sommet.

    J'ai toujours aimé ce bricolage, moi, qui ne suis pas du tout manuel. Dans les comics érotiques, on retrouve cet amateurisme émouvant: histoire débile, trait à la va vite et parfois encrage et papier de merde. Un délice.

    Pourtant dans ce bordel, il y a ces petits instants d'éternité, de grâce et de pureté.

     

     

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    Ariel Pink c'est un peu le parfum d'une moquette pourrie de boîte de nuit, c'est trop de maquillage, c'est de la sueur et du bandana, en gros du n'importe quoi magique. On y fouille avec jouissance pour retirer de temps à autres des pépites.

     

     

    J'aime ce decorum insensé. Je me souviens d'une vieille bande dessinée argentine où des lesbiennes vengeresses, accessoirement vampires, terrorisaient un petit bled catholique. Un must que j'ai perdu honteusement. Maudit jeu de cartes.

     

     

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     Voilà donc des oeuvres qui s'écoutent et se lisent avec une seule main. Ariel Pink en sait quelque chose lui qui fait galocher des chiens sur ses pochettes. Slow et tissus qui collent nom de Dieu!

     

     

    Je me souviendrais toujours de ces délicieuses lectures. Secrètes et intenses, légères et marquantes. 

    Ariel Pink lui aussi laisse des empreintes... toutes vives.

     

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  •  Adorno se questionnait: peut-on se relever de l'horreur? Du massacre, de la haine... en faire des valeurs poétiques?

    Paul Celan a livré le plus beau chant de vie possible.

    Je perçois dans l'extrême mélancolie de cette composition de The Walkmen, le tissage de la résistance. Tenir disait Celan, tenir.

     


     

     

     

    Lait noir de l'aube nous le buvons le soir / le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit / nous buvons et buvons / nous creusons dans le ciel une tombe où l'on n'est pas serré / Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit / il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d'or / écrit ces mots s'avance sur le seuil et les étoiles tressaillent il siffle ses grands chiens / il siffle il fait sortir ses juifs et creuser dans la terre une tombe / il nous commande allons jouez pour qu'on danse

    Lait noir de l'aube nous te buvons la nuit / te buvons le matin puis à midi nous te buvons le soir / nous buvons et buvons / Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit / il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d'or / Tes cheveux cendre Sulamith nous creusons dans le ciel une tombe où l'on n'est pas serré

    Il crie enfoncez plus vos bêches dans la terre vous autres et vous chantez jouez / il attrape le fer à sa centure il le brandit ses yeux sont bleus / enfoncez plus les bêches vous autres et vous jouez encore pour qu'on danse

    Lait noir de l'aube nous te buvons la nuit / te buvons à midi et le matin nous te buvons le soir / nous buvons et buvons / un homme habite la maison Margarete tes cheveux d'or / tes cheveux cendre Sulamith il joue avec les serpents

    Il crie jouez plus douce la mort la mort est un maître d'Allemagne / il crie plus sombres les archets et votre fumée montera vers le ciel / vous aurez une tombe alors dans les nuages où l'on n'est pas serré

    Lait noir de l'aube nous te buvons la nuit / te buvons à midi la mort est un maître d'Allemagne / nous te buvons le soir et le matin nous buvons et buvons / la mort est un maître d'Allemagne son oeil est bleu / il t'atteint d'une balle de plomb il ne te manque pas / un homme habite la maison Margarete tes cheveux d'or / il lance ses grands chiens sur nous il nous offre une tombe dans le ciel / il joue les serpents et rêve la mort est un maître d'Allemagne

    tes cheveux d'or Margarete / tes cheveux cendre Sulamith

     

     

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  • Eternelle promenade sur les chemins des sentiments, de nos joies et de nos larmes. La nature nous rend à l'humilité, avec son langage étrange. Le chant des frondaisons, la colère du torrent et le parfum de la sève sécrètent dans nos mémoires les éclats de l'enfance. Un Eden révélateur.

     

     

    Cette plénitude se fendille toujours. C'est le rythme essentiel de Terrence Malick, le long horizon s'embrase. Les immenses plaines si calmes deviennent les territoires du carnage. Intenses beauté et cruauté de l'existence. Les frères Kadane l'avouaient: " I don't know about God but I'm sure there's a devil. "

     

     Malick protège ses décors et le rythme de ses plans, faisant monter doucement la tension, la terreur. Le calme avant la tempête. Il ressort après ces incendies une profonde mélancolie et une bouleversante réflexion sur le temps et l'existence.

     

     

    Images poétiques, sonorités intimes. Ces deux univers se lovent l'un dans l'autre avec puissance et candeur.

    On les regarde, on les écoute et on sait qu'ils ne nous quitteront jamais.

     

     

     

     

     

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