Kissa, Kissa ... il me fallait une musique, une musique pour un amour. Je revenais de mes journées froides et lisses comme l'acier, de mes années de coeur en hiver. Les paupières closes, mon sac à regrets posé lourdement sur les épaules, je vacillais dans une encombrante tristesse. Avril portait un goût fade sur les lèvres embrassées, les parfums ne plongeaient jamais dans le souvenir. Tous les parfums devenaient poussière Kissa. J'étais un amant tout terne et sec. J'ai trompé mes amoureuses. Perdu et injuste, je bordais simplement leur désillusion. Je préférais sans cesse ma solitude. Je restais muet. La maladie de mon père rôdait autour de ma gorge pour me nouer encore et encore. Mais aujourd'hui ma gorge se noue Kissa, avec cette même force, pour un feu qui tapisse mes visions. Je redeviens poète, les magnolias me portent leur saveur, le sel d'avril innonde mes lèvres. Chacun de tes baisers est unique, mon souvenir les classe de chapitre en chapitre.
J'écrivais pour la musique mais je ne lui rendais pas service, je l'écoutais peu. Si peu. Mon coeur ne daignait rien goûter. Peut-être une chanson de Mayo Thompson... Dear Betty Baby, oui... elle me rendait quelques étoiles, des fragments d'envies.
Kissa, quand je marchais avec toi près de l'Erdre, quand le ciel de Nantes noyait son bleu de poussière blonde, oui, lorsque le soleil déroulait ses pélicules lumineuses sur ton visage j'avais en tête la musique de Chris Cohen. Elle ne me quittait pas. Je regardais le sommeil te rendre si belle durant cette traversée en bateau, nous revenions de l'autre rive - silencieux. Cette traversée me menait lentement, sans que je m'en aperçoive, vers toi mon amour.
La musique de Cohen, douce et abbrasive à la fois, collait parfaitement à ma vie. A la fuite romanesque des déceptions et de ma propre torpeur. Un divin carillion. Il nous porte cette mélancolie famillière qui bascule, magnifiquement, dans la joie et l'espérance. Heart Beat signe cette évidence, merveilleuse composition où les choeurs se lovent comme jamais.
Je repense toujours à Stendhal qui disait qu'il ne fallait jamais écrire sur la musique que l'on admire. Mais comment résister lorsque l'amour se mêle à la musique et nous offrent les mêmes indélébiles pulsasions?
Kissa, j'écoute Optimist High et je savoure la courbe de ton profil, la coupe de tes yeux, ta peau si blanche. Toute cette musique se compose de toi, c'est pour cela que je l'aime.