" La Treizième revient... C'est encor la première ;
Et c'est toujours la Seule, - ou c'est le seul moment :
Car es-tu Reine, ô Toi! la première ou dernière ?
Es-tu Roi, toi le seul ou le dernier amant ? ... "
Nerval
Bois ton eau fraîche mon amour, bois, et on fera de ces heures suspendues de vaillants symboles, des miroirs fendus de gaieté, de printemps. Bois à t'empêcher d'ouvrir l'écorce brune de l'automne, cette saison de marbre qui grapille au coeur de nos mains nos destins - nos allures.
Comme se couvrent nos paupières, dès que le vent mène sa pâleur, mène son écho de frondaisons mortes, séchées au soleil, désolées.
Bois, pour que je puisse venir te voir mon amour, bois pour le souvenir, pour les petits pas menés dans l'herbe profonde des clairières de Juillet, songe à ma peau, à mes ongles, à mes lèvres - songe.
J'ai donné l'ombre aux rivières, donné le sourire aux passereaux, aux tendres pétales sans fard, sans illusions, ceux qui ne faneront jamais.
Glisse ta main blanche, glisse ton odeur dans la mienne, brûle les larmes qui tachent tes cuisses, tes hautes cuisses qui apaisent ma faim. Glisse ta chaleur dans ma poitrine, dans mes veines - sur mon front.
Jamais lâché, courbé sous un poids de cendres, je mène la distance comme une croix. La distance des journées de sable, journées qui fondent à la lueur du regret.
Alors bois mon amour, bois ces heures échevelées, bois ma douceur, bois ma colère. N'aie plus soif - oublie-moi.