Il y a peu, je me replongeais dans cette oeuvre insensée du clair obscur: Le péché de Franz von Stuck. Voilà une oeuvre de chapelle ensevelie. Peu de monde y goûte mais certains trouvent cette création indispensable.
Un anonymat parfois incendié par des passionnés. Feu étrange. Remy de Gourmont parlait ainsi de ces oeuvres tapies loin de l'officialité: " Leur autel est au fond d'une crypte, mais où les fidèles descendent volontiers, cependant que le temple des grands saints ouvre au soleil son vide et son ennui."
Dans ces souterrains on rencontre des créations minuscules et immenses. Oeuvres méconnues mais qui ont des fanatiques. La raison n'a que très peu de valeur et on couche volontiers avec la première passion venue. On s'aiguise à tout va, on se surprend à tremper ses lèvres dans des goûts douteux. Car souvent ces cavités sentent le souffre.
Je découvrais récemment, grâce à une âme enlevée et charitable, Norma Loy. Musique qui n'a rien d'évangélique, musique inondée par l'orgueil, les attitudes et les élégances.
On peut dire de Norma Loy qu'ils ne choisissent comme confident qu'eux-mêmes. Trop amoureux de la liberté. Ils peuvent paraître datés - ils sont intemporels. On croirait la caresse de la lave - il laisse une empreinte glacée.
Ces sombres chants me rappellent l'univers multiple et fantaisiste des écrivains fin de siècle.
Enfer salé, où l'on mange des choses sucrées avec du beurre d'anchois et où l'on croque des grains de café dans de l'eau de Cologne. Univers fantoche et terrifiant où l'on peint de jeunes danseuses en les violant, grande lâcheté et petite diablerie d'un Degas, chimères tyranniques de ces écrivains pendus à l'oubli comme du linge sale: Hugues Rebell, Catulle Mendès, Paul-Jean Toulet et tant d'autres avachis. Le sable du Temps ne les a pas épargné. Le Temps se soucie peu de la philanthropie.
En écoutant Norma Loy, j'ai pensé retrouver le charme de ma jeunesse mais ce n'était pas cela car on le sait: c'est le charme qui vieillit le plus mal. Non, il s'agit plutôt du plaisir de retrouver une belle habitude: la liberté.
A l'écoute de ces compositions vénéneuses, je me remémorais:
Je relisais également La Camorra, Les Pléiades, Le livre de Monelle, Le vice errant... ouvrages de ces étranges disparus que Felix Vallotton a identifié avec un talent insolent. L'insolence reste souvent le seul privilège des occultés.
LAUTREAMONT
Le portrait de Lautréamont - qui est pure fiction - en dit long sur ces galeries incessantes, ces tombeaux lumineux.
J'accole volontiers Norma Loy à Hugues Rebell, lui qui disait: " Du mystère de ma vie, il demeure comme une ombre attirante."
Ombre attirante, Chants de pluie et du soleil, musique de clair obscur, Norma Loy piétine finalement les clichés ou plutôt les invoque - noirs et blancs.
De l'excès à la sainteté le groupe ne choisit guère. Il expose mille artifices et nous tend une émotion pure, dépouillée, essentielle.