Je ne vais te donner aucun amour. Les grandes lignes froides et la couleur, le noir épais qui s'époumone comme du sang dans ta mémoire, le vent sans rien, qui fait vaciller l'immobile. Oui, je ne vais rien te donner. On ressemblera au rêve des amants, on ira porter nos baisers contre des lèvres tièdes - on bordera l'illusion. Ce sera drôle parfois, souvent férocement triste. Jour après jour, je n'y crois plus. Le téléphone sonne, l'attente feule sa présence mais je souris, je m'en veux, j'oublie les petites heures à inventer un manque, plus rien ne me manque, surtout pas une amoureuse. Le grand tableau dans la nuit parle, sa force n'a pas besoin de lumière, pas besoin d'un regard, ce tableau est un étranger. Nicolas de Staël incruste des tristesses dans mes secondes, son Portrait D'Anne m'enlève, cloue mes déceptions, recompose le temps.
Un matin, le paysage recouvrait sa candeur. Rosée, silhouettes nocturnes des arbres, des phares gris, la mer comme une pleureuse toute plate au loin. Je rêvais de te voir mourir entre mes rêves, je rêvais de te voir incendiée comme les mélodies dans une chanson de Codeine. Les étoiles résistaient au jour. Je les admirais, vraiment.