Je transporte avec moi, sans cesse, dans une vieille veste de velours élimée, une enveloppe sentimentale. A l'intérieur de celle-ci se trouve une carte postale pliée et repliée. Le portrait d'une dame fait par Paolo Uccello. C'est un reliquat émouvant. Un trésor offert par l'une des femmes que j'ai le plus aimé au monde. Il y a, accolé, son écriture vive et claire.
Good Advices my love. Ce petit mot, tressé de ses merveilleuses lettres à elle, je le dévore sans cesse. Elle n'appréciait pas plus R.E.M que ça, groupe qui fut celui de mon enfance. Je me souviens encore de ma traversée des Agriates avec mes parents, je les forçais à écouter Fables of the Reconstruction. Le sol ocre, les cailloux, les figuiers de barbarie, tout défilait sous mes yeux avec Wendell Gee en fond.
Cette phrase, ce fut un simple hasard, elle ne connaissait pas assez le groupe pour penser à la chanson Good Advices. Je lie Uccello et R.EM car plus tard, on passa des heures et des heures à scruter sur un livre immense les tableaux de batailles où les chevaux ont l'air métallique. La peinture d'Uccello est véloce et précise. Monumentale.
Je me souviens de cette fin de journée en hiver où il fallait que l'on se quitte. On se serrait très fort l'un contre l'autre et Sitting Still résonnait dans le grand appartement vide. J'étais si triste, j'étais un soldat bien fatigué et mélancolique, rendu à la défaite. J'avais pourtant la passion, le tempo rapide comme le souffle épique qui traverse cette chanson. Malade d'amour.
Alors ma Bible est une vieille carte postale d'un maître italien. Cette image a résisté à tout, elle semble légère face au temps, elle lui résiste, fière et unique. Elle est le fragment de la présence d'un amour. Amour qui continue son chant, merveilleusement, offrant le plus doux des combats.