• Morlaix, fin d'après-midi, ciel calme. Ce moment où, deux lumières différentes se rencontrent. Le jour apaise la nuit durant d'étranges minutes. C'est un spectacle muet et insolent. Longtemps, c’était mon moment privilégié pour voir un film de Rohmer. Je baissais le store, je constituais une cellule sombre – c’était le salon de mon appartement - qui étape après étape s’avérait être le lieu parfait pour voir un film. Je restais presque une semaine, ainsi, seul sans voir personne, enfermé avec le cinéma. Les films de Marcel Carné, Renoir ou de René Clair me tenaient à l’abri du monde. Sous Les Toits de Paris, par exemple, reste un souvenir émouvant. Le crachin breton vibrant contre les fenêtres et ce haut vent soufflant rageusement sur les toitures, je m’en souviens parfaitement. L’extérieur était bien hostile et comme souvent, nous qui nous trouvons abrités des éléments extérieurs, nous prenons un plaisir, presque enfantin, à vivre dans notre refuge. A écouter le chaos.


    Rohmer Vs The Durutti Column


    Je n’ai jamais vu, dans ces séances, une fuite mais plutôt une forme d’apprentissage. Le décalage saisissant du cinéma et du réel est sans doutes minime surtout lorsque l’on y prête attention. Les deux sont l’équivalent de la rencontre entre le jour et la nuit, ces instants où tout se travesti, tout est ambivalent et incertain. Finalement, cet instant précis, légèrement mystique et totalement secret, on le retrouve dans le cinéma de Rohmer –  il faut revoir le final du Rayon Vert et l’heure bleue dans Quatre Aventures de Reinette et Mirabelle. J’ai toujours vu en Rohmer une délicate perversion : il plaçait des flots de paroles, de dialogues mais finalement ce qui l’intéressait le plus, c’était la beauté d’un geste, la coupe d’une nuque, l’arrondi d’une épaule. D’où sa fascination pour le muet.

     

    Rohmer Vs The Durutti Column


    J’ai souvent regardé ses films sans leur son, avec de la musique dessus. Le tout tenait. Bien à l’abri, juste après un Conte du cinéaste, il me plaisait à entendre la musique de Vini Reilly par exemple. L’œuvre de Durutti Column m’a toujours fasciné. Par son aspect obsessionnel et idéaliste, rigide et impalpable. Datée et intemporelle évitant que très peu les paradoxes - comme les films de Rohmer.




    Tout ceci est tissé d’une manière insaisissable. Humilité, quête éperdue de vérité, c’est ce que l’on pourrait penser de ces deux œuvres… mais souvent en pensant à ces deux créateurs, je me remémore cette maxime de La Rochefoucauld : “ Nous n’avouons jamais nos défauts que par vanité. “ Deux personnages à l’humilité orgueilleuse. 



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  • Je mettais, par-dessus ma tête, ma veste pour me protéger d'une courte averse. Je n'étais pas loin du passage Pommeraye. Les rues de Nantes sont tellement grises parfois, tellement douces également. Le soleil, déjà, faisait éclater les caractères dorés sur fond noir: " Visitez le passage Pommeraye." J'acceptais bien volontiers cette invitation. Je rentrais dans ce passage qui est une métamorphose. Les dimensions sont étranges lorsque l'on est fendillé par un amour naissant. L'immense verrière où se déroulent des lianes énigmatiques fait affluer une drôle de lumière. J'avais en tête cette comptine de Action Biker, Farrah, qui se mêlait parfaitement à ma petite mélancolie. 

     

     

     

    La voix de Sarah Nyberg Pergament, douce, étoilée et claire m'enveloppait dans un certain confort. Je pensais durant ma balade à Jacques Demy et Agnès Varda. Lola, l'amour tout ça ...de jeunes tziganes appuyaient leur beau visage brun contre la vitrine d'un magasin de chaussures, certains touristes faisaient crépiter leur flash, un parfum de javel embaumait l'air, la pluie continuait doucement sa glissade.


    La cinémathèque de Action Biker


     

    L'averse finie, les jeunes filles brunes sont sorties du passage comme une jetée d'oiseaux. Avec des rires éclatants. En sortant, j'ai dû m'accoder du soleil retrouvé. Comme ivre, je continuais ma marche rue Crébillon. Je me mis à repenser à Sarah Nyberg Pergament.




    A sa voix. Je voulais savoir ce qu'elle cachait comme secrets, comme illusions. Le passage Pommeraye avait rencontré sa musique et cette rencontre était un rêve flambé de cendres, d'automne, de pluie et de soleil, de jeunes filles brunes au rire éclatant, de Lola, de Nantes. D'amour.


    Merci Sarah.



    La cinémathèque de Action Biker.


    1. The Lodge. Gunilla Heilborn and Mårten Nilsson


    I am very fond of the movies that the couple Gunilla Heilborn and Mårten Nilsson have made together. They are hilarious in it's sublimity and cleaver and pretentious and playful at the same time. Also the music by Kim Hiorthøy is really smart.




    2.Dasies (Sedmikrásky).Vera Chytilova

     

    I love this movie to bits! It's fun, cool and smart and it stars two young women who live their lives completely on their own terms right to the very end. It's lovely to see and it changes from black and white to colour to really psychedelic and arty segments.



     


    3.Cléo de 5 à 7.Agnès Varda


    Because it's sad, beautiful in it's simplicity, about a woman who gets her death verdict by a fortune teller. Michel Legrand soundtrack is just lovely.



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  • J'essayais d'aimer une fille aux cheveux châtains puant l'automne. Je trainais dans la bibliothèque municipale - Stefan George, Rilke, Fante, Pasolini. J'écoutais Jack. Le ciel avait de drôles d'embrasures. Un rose et un bleu mystiques. J'allais encore, avec mes parents, fleurir les tombes. Novembre était bouffé de soleil, de reflets roux, le marbre illuminé venait me cracher à la figure. Je confondais l'amour et la mort comme tous les adolescents.




    Jack - c'est les premières nuits de confessions, d'alcool. D'amour. Je faisais crépiter le tabac blond... deux amants se fondaient l'un et l'autre Place des Cardeurs. J'invectivais l'avenir. Anthony Reynolds a toujours cru en la vocation - il a bien raison. Il est balancé pour l'excellence, la beauté et la tragédie. Un hussard romantique, un jeune homme sentimental aux mains remplies de guêpes. Ces chansons sont de belles intensités, des rivières salées de larmes et de souvenirs. Belles comme un adolescent réflétant l'amour et la mort.





    La cinémathèque d'Anthony Reynolds



    1. Providence. Alain Resnais.


    Of course, you sometimes associate a film very strongly with the time in your life you first saw it. I first saw this movie on my laptop in a horrible flat in 2010 at a time when Dirk Bogarde became something of a patron saint to me. I was going through a difficult period romantically and in some way that I still can't explain, this film spoke to me of that. Its a strange film in that it is, I think, authentically Poetic and dream like. Much of it takes place in the Writer's imagination (played by Geilgud) and its the best representation of the writer's thought process Ive ever seen on screen. The sets are intruiging and Dirk is delicious - arch, Affected and suprememly stylised and beautifully dressed by YSL. I'll go on re watching this movie for the rest of my life. Its raised an answer that I need to find the question for.




    2. Take The Money And Run. Woody Allen.

     

    My introduction to Woody allen was via the BBC late film, when as a child I would scour the channells late at night on my tiny B&W portable TV in much the same way as generations before me did with radios. I couldn't believe it the first time I saw this film ; it was so smart and funny and comical and odd that I remember thinking 'The world can't be that bad if people make films like this'. It still makes me laugh and I watch it every year on my birthday.

     



    3.Le Testament D'Orphée. Jean Cocteau.


    I probably love Cocteau for all the reasons some people dislike him - his flightiness, his 'dabbling', his femininity, his lightness, his self interest...he makes me happy and is a companion to me in my life. This is my favourite film of his. You can tell he dealing with his coming death in it and the imagery are highlited by this context of sadness..its like he's grieving for his real death in advance..the scene where he walks out of the garage door into the night and a dog barks in the distance...this really moves me for some reason...

     

     




    Merci Anthony.

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  •  
    Je suis un homme qui éclate les bouteilles de champagne dans les gares. Je ne manque pas d'illusions, c'est vrai. J'abuse des rendez-vous manqués, je ne célèbre rien ... le hasard s'en charge très bien. Un peu comme ce joli sosi de June Lang qui, élégamment assise dans un escalier défraîchi de la gare de Rennes, remettait les lanières de l'une de ses chaussures. Elle regardait mon pantalon taché avec une merveilleuse méfiance. Son compagnon, lui, baisait sa nuque toute fine et dorée. Elle? ... elle s'affairait à se lasser. 


    Jens Lekman - Stendhal - Bergman


    Je faisais mon voyage vers Nantes avec ce couple, assis en face de moi. J'observais parfois ces deux grands yeux noirs se voiler en regardant le paysage. Oui, elle rêvait assez souvent. Lui ne parlait pas et il tenait la main de cette jeune femme tristement. Je pensais à la musique que j'écoutais: celle de Jens Lekman et au titre de son album: I Know What Love Isn't. Une pensée redoutable et juste. Une légère amertume, de la joie, un vague parfum de fleur, un rayon de soleil qui tombe sur l'une de ses mèches blondes. Une mélancolie fatigante. Visages désertés par l'amour, petites voix complices dans la gêne et le compromis, gestes ordinaires, trop réfléchis... et parfois des paupières lunaires viennent vaporiser cet ennui. Comme je la voyais soucieuse et emmurée ma June Lang.



    Voyageur seul à la bouteille de champagne brisée dans les escaliers d'une gare, je me plaisais à imaginer leur vie, leur rencontre. Mais rien ne se dégageait d'eux. Je me souvenais, moi, d'un quai de gare, un matin doux de Février en Bretagne, de tes lèvres. Je n'ai plus jamais serré quelqu'un dans mes bras comme toi. Depuis, j'ai souvent observé ce que n'est pas l'amour. Sans jugement... une simple fadeur, une lueur terne. Le temps qui passe. Bergman disait: " Une liaison amoureuse explose en conflits, c'est inévitable. L'amitié est plus exigeante, elle n'a pas le même besoin de tumulte et de lavage de linge sale. "




    Nantes arrivait dans une belle douceur. Elle, très joliment, remettait ses cheveux en ordre. En ordre... je repensais à tes propres cheveux. A tes larmes lorsqu'il a fallu nous séparer. Je suis resté dans ma chambre une semaine, sans rien dire, sans rien faire ... puis les grandes lames au fond de la gorge, les souffrances, l'impossibilité de l'oubli... tout ça vous définit un homme.

    Si June recouvrait ses cils de fatalité - elle était encore belle, oui, June tu es encore très belle quand je te regarde partir. Et moi ? Qu'est-ce que je veux à présent ? Maintenant que je sais que je ne t'aime plus.... je veux simplement célébrer une autre main, une autre peau. Un autre amour.



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  •  Le Miroir.


    J'ai essayé d'être aimé. Elle, ma Comtesse Othenin d'Haussonville, son reflet, sa sueur acidulée. Je laisse passer les jours, les mois, les années. Vague parfum de glycine, mois de juin, mur de pluie puant de chaleur, je fais une longue marche dans mon souvenir. Le souvenir vient, doucement, me manger dans la main comme un animal sauvage.


    The Wake- François And The Atlas Mountains- Balthus


    Cela fait pourtant un moment que j'ai cloué les heures profanes de cet amour. Cette femme, je la revois fondue dans un paysage, comme cette enfant perchée en haut d'un cerisier, souvenir émouvant d'une toile de Balthus.

     

    The Wake- François And The Atlas Mountains- Balthus - Losey


    " Ce tableau, c'est toi, tout toi, une immensité presque ignorée et la stature confondante de ton innocence. J'ai tant vu de choses disparaître derrière le miroir pourpre de tes lèvres. Mes mots, ta peur. Je me souviens du portrait terrible de ta mère, ses yeux comme deux étrangers verts qui illuminaient le salon éteint. Ses yeux qui rongeait sa fille comme une petite cicatrice secrète. "


        

     

    Une journée entre toutes, je revois les nuages rêveurs de Provence et toi qui ne me renvoyais rien d'autres que tes secrets. Tes secrets roulant le long de tes hanches, frappés contre ta nuque. J'aimais entendre tes silences fermes contre ta peau. J'ai essayé de te plaire mais tu étais déjà si lointaine, j'ai aiguisé ma cervelle pour l'échec.


    The Wake- François And The Atlas Mountains- Balthus


    Je l'ai fait avec talent mon amour. Dans la grande maison, le piano laissait entendre plus le vent que des notes. Dans la grande maison, il y avait un gardien et des fantômes.

     

     

    Voilà, moi je te vois souvent: un reflet dans l'eau, une longue chevelure, une voix ... même mes paupières semblent avoir gardé l'odeur de ton corps. Maintenant, à travers les dernières feuilles, ton visage brun ronge le ciel. Les lèvres marquées au vin, je regarde dans le miroir - j'ai perdu la face blanche de l'amoureux ...

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